Plaidoyer pour un avortement médicalisé

Article : Plaidoyer pour un avortement médicalisé
Crédit: Iwaria
7 juillet 2021

Plaidoyer pour un avortement médicalisé

Tribune. À cette génération de femmes sacrifiées sur l’autel du puritanisme hypocrite de la société. Celles-là qui n’ont jamais su ce qu’est le droit de disposer de leur corps… Laisser mourir pour donner une leçon de morale aux égarées qui auront recours à cette pratique. Une indignité et des catastrophes en Côte d’Ivoire auxquelles il faut remédier.

1,2,3 pas en avant… 4,5,6 pas en arrière… Il pourrait s’agir du rythme qui donnerait lieu à une danse endiablée. Mais, il n’en est rien car les pas sont ensablés.

Mesdames, Messieurs les juges de la vie d’autrui! En me réveillant ce matin, que dis-je en sortant de mon insomnie,  je me suis dit que j’avais envie de me mettre les gens à dos. Mais peu importe, ce sujet me consume. J’anticipe également car le simple fait de prononcer ce mot, hérisse les poils de plus d’un.es. Crime moralement, religieusement condamnable. Tous ces termes péjoratifs accompagnent l’avortement parce que oui, il s’agit bien de l’avortement médicalisé.

Quelle ignominie ! Les droits des femmes loin de cette cadence psychédélique demeurent cette éternelle balade de tortue qui ne saurait qu’entamer la patience des plus patient.es. En effet, on nous fait miroiter des droits pour mieux nous les retirer. Alors, nous ne pouvons que rester sur le qui-vive. Par ailleurs, parler d’avortement médicalisé, c’est accepter de se faire traiter également de criminel.le.

En tant que moi, femme, je me tiens devant vous, enfin derrière mon clavier, mon arme d’expression et je m’insurge.

1,2,3 pas en avant, on vous accorde certains droits.

4,5,6 pas en arrière, mais non, voyons, les femmes ne devraient pas en avoir trop non plus.

Non ! Absolument pas, je ne tourne pas autour du pot. Je mets juste en lumière, l’état dans lequel baignent les conditions des femmes sur le sol ivoirien, et plus généralement sur le sol africain. La femme, cette chose, cette enfant éternelle, cette moitié d’humain que l’on doit absolument surveiller…

Ce système qui brandit ce puritanisme hypocrite lorsqu’il se sent touché dans sa fausse perfection. Cette moralité : deux poids deux mesures. Je ne veux pas m’attarder sur le ressenti de ses détracteurs qui m’importe peu. Je pourrais appeler cela l’hypocrisie de l’iceberg. Celle.ux qui crient à la bassesse et ne savent que juger alors qu’en silence, iels ont déjà eu recours à cette ‘‘vile chose’’. D’un autre côté, je ne peux pas en vouloir à cette société. Société qui justifie le viol par les jupes courtes ou les robes trop moulantes. Puis d’un autre côté, elle enterre sous le tapis les incestes.

J’en viens donc aux faits parce que celles qui pratiquent l’avortement, y trouvent une réponse à un désarroi et n’en ont cure de toutes ces déblatérations. En effet, force est de constater que les chiffres sont alarmants. Un rapport de Performance Monitoring & Accountability (PMA 2020) annonce « entre 209.380 et 288.252 » soit près de 300.000 avortements clandestins effectués en Côte d’Ivoire. 20% est le taux de décès qui découlent de ces sauvageries. Vous n’en disconviendrez pas, cela est bel et bien une urgence sanitaire.

Cependant, dès lors qu’il s’agit de la santé sexuelle et du droit de disposer de leur corps, la chanson en est toute autre. Les femmes entendent toutes sortes de remontrances. Pour ce qui est de l’avortement,  on ne voit là que l’histoire de femmes volages. Des marie-couche-toi-là qui n’ont que ce qu’elles méritent. Dans un pays laïc comme la Côte d’Ivoire, je m’étonne que l’argument religieux soit toujours virulemment évoqué. Ces femmes criminelles qui verront le courroux de Dieu s’abattre sur elles comme si la souffrance émotionnelle dans laquelle elles se retrouvent du fait de cette décision n’était déjà pas assez conséquente. Encore une fois, je ne vais pas m’attarder sur ces dires. L’essentiel reste la vie de ces jeunes femmes et jeunes filles qui ont recours à l’avortement.

Il est tout aussi nécessaire d’en parler car la Côte d’Ivoire, en la matière, avance de manière totalement contradictoire dans la mesure où l’interruption volontaire de grossesse (IVG), inscrite dans le Code pénal ivoirien en ses articles 425, 426, 427 et 429, est interdite et punie d’une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement. Et d’un autre côté, en 2012, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et son protocole de Maputo, relatif aux droits des femmes, autorisant l’avortement médicalisé, a été ratifié par les autorités. Par ailleurs, les seuls cas où l’IVG n’est pas prohibée, restent, lorsque « la vie de la mère est gravement menacée » et en cas de viol à la demande de la victime. C’est bien beau, mais, dans les cas d’espèces, les preuves pour ces situations restent encore un parcours de combattant.es. Ce qui montre une sorte de latence pour empêcher ce droit.

Elles ont ce qu’elles méritent, voilà la pensée explicite que reflète la société, et qui les laissent mourir tout en ayant connaissance des conditions de l’avortement clandestin.

J’entends souvent dire que l’enfant, n’appartient pas qu’à la mère mais au père et à la société. Est-ce la société qui le porte en son sein ? La société fera-t-elle face aux changements qu’une grossesse entraine ? Est-ce la société qui s’en occupera? L’avortement n’est pas que le droit de disposer de son corps mais aussi celui de procréer intelligemment. Que vous soyez pour ou contre, l’avortement continuera de se faire. Alors, le plus sage à faire est d’en faire une pratique plus sécurisée pour éviter la catastrophe. Alors, je dis oui à un avortement médicalisé pour sauver les vies de ces femmes trop souvent mal jugées.

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